Réagissant à ce laisser-faire des deux partis, les associations de défense de l’agriculture se mobilisent tandis que la controverse se poursuit
Jeudi le 10 février 2011. Ottawa – Hier soir, une majorité de députés libéraux s’est alliée aux Conservateurs pour défaire une importante proposition de loi émanant d’un simple député, et portant sur les OGM. Le projet C-474 prévoyait « que soit menée une analyse du risque potentiel pour les marchés d’exportation avant de permettre la vente de toute nouvelle semence OGM. » La proposition a été battue par 176 à 97.
« Les agriculteurs auraient eu tout à gagner si ce projet de loi avait été adopté. Avec le rejet de C-474, les cultivateurs ont tout à perdre et les compagnies biotechnologiques ont encore une fois tout à gagner », a déclaré Colleen Ross, vice-présidente du Syndicat national des agriculteurs. « Notre gouvernement est prêt à appuyer les manipulations génétiques à n’importe quel prix. Mais nous refusons de cautionner leur détermination à sacrifier quelques fermiers pour assurer le bien de l’industrie biotechnologique » a-t-elle ajouté. « Notre démocratie doit être au service des agriculteurs et des consommateurs, pas seulement des grandes compagnies biotechnologiques multinationales. »
« Les excuses mises de l’avant pour ne pas appuyer le projet de loi n’ont jamais été valides », dit Maureen Bostock, s’exprimant au nom de l’Association des agriculteurs biologiques de l’Ontario. « Il s’agit d’un cas patent où les politiciens prennent fait et cause pour la puissante industrie biotechnologique. »
« Le projet de loi C-474 a été rejeté, mais ce revers aura au moins permis de lancer un véritable débat sur les répercussions et l’avenir des OGM », a déclaré Lucy Sharratt, coordonnatrice du Réseau canadien d’action sur les biotechnologies. « En faisant franchir au projet de loi C-474 plus d’étapes qu’à n’importe quel autre portant sur un enjeu similaire, les Canadiens ont défié l’immense pouvoir du lobby industriel. »
« C’est insensé : les risques économiques que doivent courir les agriculteurs en raison des cultures transgéniques ne sont pas pris en considération avant leur introduction sur le marché » a soutenu pour sa part Geneviève Grossenbacher, une jeune cultivatrice québécoise porte-parole de Cultivons Biologique Canada. « Ce sont les agriculteurs qui font les frais de la contamination aux OGM, pas les entreprises biotechnologiques. »
La menace de contamination génétique des cultures par la luzerne OGM est une préoccupation immédiate que partagent tant les agriculteurs biologiques que traditionnels. D’autant plus que le ministère américain de l’Agriculture a décidé le 27 janvier d’autoriser la mise en culture de cette luzerne génétiquement manipulée, malgré l’opposition générale des agriculteurs et des consommateurs, et après une longue bataille juridique. Autre raison pour les agriculteurs d’être préoccupés, le Canada n’a plus qu’une étape à franchir avant d’autoriser la culture de la luzerne OGM au pays. « Il est urgent que nos députés fédéraux prennent des mesures pour empêcher l’autorisation, la culture et les importations de la luzerne transgénique au Canada. C’est la seule manière d’éviter aux cultivateurs de luzerne traditionnelle ou biologique d’avoir à subir des pertes de marché et la disparition de leurs moyens d’existence » a affirmé Cathy Holtslander au nom du Fonds de protection de l’agriculture biologique (OAPF) de la Direction biologique de la Saskatchewan. La luzerne étant une plante vivace dont la pollinisation se fait par les abeilles, la contamination par les OGM est inévitable. En plus d’être exportée sous forme de produits transformés, la luzerne sert d’aliments aux animaux qui paissent, et on tire de ce végétal une nourriture riche en protéines destinée aux vaches laitières, aux troupeaux de boeufs, aux agneaux, aux porcs, etc. On l’utilise aussi pour enrichir le sol en nutriments, de sorte que son intérêt pour l’agriculture biologique est considérable.
« La controverse entourant les manipulations génétiques s’est amplifiée au fil des années, au lieu de diminuer » a ajouté Éric Darier, directeur de Greenpeace Québec, qui s’exprimait au nom du Réseau québécois contre les organismes génétiquement modifiés, une coalition de vingt groupes environnementaux. « Les problèmes liés aux OGM ne vont pas disparaître, et pendant ce temps le gouvernement fédéral s’entête à ne pas vouloir s’y attaquer de front. »
Les politiciens devront faire preuve de beaucoup de volonté politique pour assurer la qualité des aliments de demain et la prospérité de l’agriculture. Les élus devront prêter une oreille attentive à ce que disent les agriculteurs et les consommateurs », selon Tony Beck de la Société pour une C.-B. sans OGM, une coalition regroupant des groupes locaux émanant de la base. « Les Canadiens interviennent de plus en plus dans les enjeux entourant la production agricole, et ils sont favorables à la mise en place d’un système alimentaire durable. »
Alex Atamanenko, critique du NPD pour l’Agriculture et simple député de Southern Interior, en C.-B., a déposé le projet de loi C-474.
Pour plus d’informations :
Colleen Ross, National Farmers Union, cellulaire : 613 213-1522;
Lucy Sharratt, Canadian Biotechnology Action Network, 613 241-2267 poste 25;
Cathy Holtslander, Saskatchewan Organic Directorate, 306 955 6454;
Maureen Bostock, Ecological Farmers of Ontario, 613 259-5757;
É`ric Darier, Réseau québécois contre les organismes génétiquement modifiés, cell. : 514 605-6497 (anglais ou français);
Tony Beck, Society for a GE Free BC, cellulaire : 604 671-2106.